Voici un lien vers un article du site Terraeco.net nous alertant sur l’engouement récent des capitaux internationaux pour les terres agricoles françaises. Cette nouvelle tendance montrent que, contrairement à ce que beaucoup de professionnels de l’immobilier imaginent, les terres agricoles ont un bel avenir (sonnants et trébuchants) à relativement court terme.Par contre nos jeunes agriculteurs risquent d’avoir de plus en plus de mal à trouver des terres à acheter et à exploiter…
Les champs français : nouveau placement financier
En complément, Jean-Pierre Dulout (expert agricole à Mallemort) nous livre ci-dessous sa propre analyse : si l’article de Terraeco semble quelque peu noircir le tableau, le problème de la relance de l’activité agricole et de la sauvegarde des terres reste cependant complètement d’actualité.
1/SAFER
Les terres agricoles françaises sont actuellement les moins chères de la CE, au moins dans la partie occidentale de la Communauté. De nombreuses voix s’élèvent depuis plusieurs années pour faire remonter ces prix ce qui compliquerait encore plus les projets d’installation.
Cette démarche est scandaleuse et une aberration totale qui ne répond qu’à des préoccupations spéculatives d’agents totalement extérieurs à l’agriculture : elle est contraire à la défense de l’intérêt général.
Cette situation des prix s’explique notamment par l’action des SAFER, créées par la seconde loi d’orientation agricole (1961 ou 1962) qui ont pour vocation première de faire en sorte que le foncier agricole reste aux mains de ceux qui le mettent en valeur.
Avec plus ou moins de difficultés, compromissions et irrégularités, cet objectif a été plutôt globalement atteint, puisque le foncier agricole appartient à environ 80 % aux agriculteurs en activité ou à la retraite.
Le droit de préemption, que la loi leur a accordé et que la loi d’avenir agricole dernièrement votée renforce et élargit aux cessions de parts de sociétés, est perçu comme une limitation significative du droit de propriété : c’est exact, mais au nom d’un intérêt plus général qui estt celui de la maîtrise d’un facteur de production essentiel pour l’autonomie alimentaire et qui depuis la dernière loi d’orientation agricole (2005) a été élargi à la maîtrise du foncier pour la préservation de l’environnement.
Ce résultat commence à être envié par certains syndicats ou gouvernements dans la CE.
Les mesures de limitation d’acquisition du foncier agricole par des étrangers, notamment originaires de la CE, prises récemment en Roumanie et en Hongrie vont dans le sens des pouvoirs donnés aux SAFER.
2/Agriculture et sociétés d’exploitation
L’article fait un raccourci qui n’est pas exact.
En effet, une Earl, dont le gérant ne peut être qu’une personne physique ayant le statut d’agriculteur, est une société (Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée) et recensée comme telle. Ce choix d’organisation est essentiel pour séparer patrimoine professionnel et patrimoine privé.
Ce statut ne concerne pas que les exploitations céréalières du Bassin Parisien.
A titre d’exemple, ce choix d’organisation concerne des exploitations sur des petites surfaces, notamment dans le secteur des fruits et légumes et du vin.
Il en est de même pour les GAEC, Groupement Agricole d’Exploitation en Commun, qui sont une forme assez avancée d’exploitation où chacun des membres est traité de la même façon (1 homme=1 voix).
Par ailleurs, comme environ la moitié du foncier agricole est exploité dans le cadre d’un bail, dans la plupart des cas celui-ci est au nom d’une personne physique (personne) et mis à disposition d’une personne morale (société). Si celle-ci disparaît pour une raison quelconque, c’est la relation personnelle entre le propriétaire-bailleur et l’exploitant/preneur qui subsiste ce qui n’est pas rien sur les plans juridique, humain, économique et social.
Le chiffre de « 45 % des surfaces agricoles occupées par des sociétés » n’a donc aucun sens.
Plus intéressant serait d’évoquer le % de surfaces détenues par des tiers totalement étrangers à l’agriculture.
3/Fermes Françaises
Je connais un peu cette exploitation dont le parcellaire est situé sur les communes de Fos sur Mer et Arles pour l’avoir partiellement arpenté au début des années 2000.
Il est inexact d’affirmer que c’est « la plus grande ferme du coin ».
Il y a d’autre exemples du même ordre : l’exploitation de Méjanes détenue par Pernod Ricard sur la commune d’Arles, celle d’un commerçant de St Gilles ou un GFA à Aigues Mortes ou le Château de Calissanne à Lançon sont du même ordre de grandeur sans parler des surfaces détenues par les propriétaires de la Tour du Valat (famille des produits pharmaceutiques Hoffman La Roche qui vient de s’immiscer dans les rencontres photographiques d’Arles).
Cela pose la question du rapport entre la nature des productions et le type d’organisation qui est le mieux adapté à celle-ci.
4/Labour ou pas labour
Le sujet est assez technique mais mérite une petite précision néanmoins.
La technique du non-labour ou de l’agriculture de conservation ou des techniques de culture simplifiées (TCS) se développe depuis que le glyphosate est tombé dans le domaine publique et que les variétés OGM de développent.
Ai-je besoin de vous repréciser qui est derrière tout cela ?
A croiser avec les pays où ces techniques font florés et la part des cultures OGM dans le total de la SAU : Brésil, USA, Argentine par exemple…..
Avec un habillage technique alléchant (agronomique et économique), que l’on peut comparer à celui du désherbage à plein dans les vignes développé par Ciba Geigy dans les années 50/60, les itinéraires techniques sans labour finissent pas être acceptés sans discernement par les protecteurs de l’environnement.
Cela ne veut évidemment pas dire qu’ils n’aient pas d’intérêt dans certains cas……
5/Futur de notre agriculture
Le futur de notre agriculture passe évidemment par la préservation du potentiel de production que constitue le foncier.
J’en suis profondément convaincu et c’est pourquoi je suis résolument contre le photo-voltaïque au sol sauf dans des cas très spécifiques comme des sols pollués et dont la récupération est particulièrement problématique voire impossible par exemple.
La maîtrise du foncier n’est pas la condition unique du futur de l’agriculture, en particulier dans notre région.
Les modes de mise en marché et le renouvellement/adaptation des techniques agricoles et des modes de production sont au moins tout aussi essentiels.
Produire est relativement facile même lorsque l’accès au foncier est compliqué et que des problèmes techniques, notamment sanitaires sont à résoudre, encore faut-il que les circuits de distribution soient adaptés à la localisation des consommateurs potentiels des produits. Il faut aussi que leurs prix de vente permettent une juste rémunération du travail, tant de l’exploitant que de celui du personnel dont il a nécessairement besoin, par exemple en production de fruits et légumes.
Comme je l’ai exprimé cours de la réunion du jeudi 24/07 avec Eric Bruchet, le « système de production maraîchère du Val de Durance » tel qu’il a existé des années 60 à la fin des années 90 n’existe plus et n’existera plus pour de multiples raisons. Il est temps d’en imaginer un autre.
Je suis d’ailleurs prêt à préciser mon point de vue au cours d’une réunion sur ce thème et je pense que d’autres membres de notre Association auront peut-être un point de vue différent du mien et en tout état de cause plusieurs d’entre eux leur vécu d’agriculteurs à partager.
Jean-Pierre DULOUT 29/07/2014
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