« Impasse des Batignolles »: le nom de cette voie dans la campagne mallemortaise (quartier Notre Dame) peut paraitre insolite. Il fait en effet référence à un quartier de Paris situé bien loin de chez nous. Alors quel rapport entre ce quartier parisien et Mallemort ?
« Le Batignolles » était en fait le nom que les Mallemortais employaient affectueusement pour désigner le train qui desservait leur commune. Cette appellation vient de la « Société de Construction des Batignolles » dont une filiale, la Compagnie des chemins de fer régionaux des Bouches-du-Rhône, construisit la ligne Eyguières-Meyrargues à la fin des années 1880.
La Gare de Mallemort – Pont Royal
A Mallemort, le bâtiment de la gare existe toujours : il s’agit de la bâtisse située juste à côté de l’ancienne cave vinicole le long de ce qui est aujourd’hui la « Route de la gare » et qui reprend le tracé de l’ancienne voie ferrée. Sa façade arbore toujours fièrement l’inscription « Mallemort Pont Royal ».
La gare de Mallemort – Pont Royal aujourd’hui
La gare de Mallemort était plus grande que celles d’Alleins ou Charleval car, outre la salle d’attente, elle comportait également le logement du chef de gare.
Le quai de la gare est encore visible
Des photos d’époque existent pour toutes les gares de la ligne Eyguières-Meyrargues, mais malheureusement il n’y en a aucune pour la gare de Mallemort (si vous en possédez une dans vos archives familiales, n’hésitez pas à nous le faire savoir…). Ci-dessous il s’agit de la gare d’Eyguières, construite sur les mêmes plans que celle de Mallemort.
L’arrivée du « Batignolles » en gare de Charleval. A Mallemort comme à Charleval le passage du Batignolles était un spectacle pour les petits comme pour les grands.
Un autre bâtiment lié au « Batignolles » existe sur le territoire de la commune : un cabanon situé en bordure de route entre Pont Royal et Charleval, juste après la chute EDF. Il s’agit sans doute de la halte de Bonneval mentionnée par Henri Chabas dans son livre « Regards sur Charleval » : le sénateur Monnier, alors propriétaire du Château de Bonneval et ami de Gambetta , en aurait demandé la construction… Autres temps, autres mœurs ?
Mallemort : l’avenue de la Gare (aujourd’hui début de l’avenue Charles de Gaulle peu après le Chemin du puits ?).
La ligne Eyguières-Meyrargues
La ligne a été inaugurée le 18 juillet 1889. Depuis Eyguières, elle desservait les communes de Lamanon, Alleins, Mallemort, Charleval, La Roque d’Antheron, Saint Estève Janson, Puy Saint Réparade.
Pour tout savoir en détail : voir la déclaration d’utilité publique du 27 juillet 1886 dans laquelle figure le cahier des charges fixant les engagements de la compagnie concessionnaire. Il y est notamment exigé 3 trains par jour dans chaque sens avec 3 classes de voyageurs ainsi que les tarifs fixés de façon très détaillée pour les voyageurs comme pour les marchandises (Bulletins des lois n°1037 pages 657 à 679). Le transport de marchandises de 1ière classe comme les spiritueux, l’huile, les œufs, le gibier, le sucre, le café ou encore les objets manufacturés et les armes coutait deux fois plus cher (16 centimes la tonne) que le transport de marchandises de 4ième classe comme la houille, le fumier ou les matériaux de construction des routes…
A Eyguières, la ligne faisait la jonction avec la ligne Salon-Arles, à Lamanon elle assurait la correspondance avec la ligne Paris Lyon Marseille, tandis que le terminus de Meyrargues permettait de rejoindre deux autres lignes : celle de la ligne Aix-Gap-Briançon et celle des « Chemins de fer du Var » vers Draguignan,Toulon, Nice. Il y avait ainsi 3 gares à Meyrargues, exploitées par 3 compagnies différentes !
En arrivant d’Alleins, la voie passait au pied du Piboulon (d’après Mme Reynaud, les gens du quartier avaient l’habitude de « monter au Piboulon » pour voir passer le « Batignolles »). Plutôt que de traverser la route nationale au niveau de Pont Royal, la voie ferrée faisait un léger détour pour se rapprocher de Mallemort afin que la gare ne soit pas trop éloignée du village. Elle partait ensuite vers Charleval en contournant la belle propriété de Chatelan par deux virages plutôt serrés.
L’ancienne voie après la gare de Mallemort en direction de Charleval
Rejoindre Eyguières depuis Mallemort prenait environ 35 minutes avec 5 minutes d’arrêt à Lamanon (Josette Oubré se souvient qu’avec son cousin Paul, ils prenaient le Batignolles pour aller à Eyguières voir leurs cousins Daniel et Julien Inguimbert. Il fallait vraiment se dépêcher d’ouvrir la « biasse » pour vite saucissonner avant d’arriver à destination) . Dans l’autre sens il fallait compter près d’une heure et demi pour arriver à Meyrargues. Voir ci-dessous un fac-similé des horaires de la ligne Eyguières-Meyrargues.
La ligne Eyguières-Meyrargues a fonctionné pour les voyageurs jusqu’en 1936 avant d’être remplacée par un service d’autocar. Elle est ensuite restée en service jusqu’en 1950 pour le trafic des marchandises. La voie a alors été démontée et son cheminement le plus souvent transformé en chemins ruraux (ce qui est notamment le cas pour la « Route de la gare » à Mallemort et pour ce qui est désormais » l’impasse des Batignolles »). Les gares ont été transférées aux communes et parfois transformées en logement.
Plus d’informations voir le Site de Marc-André-Dubout
La Société de Construction des Batignolles
C’est en 1846 que l’ingénieur Ernest Goüin fonda la société « Ernest Goüin et Compagnie » et créa à Paris les ateliers du quartier des Batignolles pour la fabrication de locomotives à vapeur.
La Locomotive T30 de l’atelier des Batignolles
La société se diversifia par la suite dans les constructions métalliques (ponts, viaduc,…) et dans la construction de voies ferrées et d’infrastructures portuaires.
En 1871 elle pris le nom de Société de Construction des Batignolles et développa une forte activité internationale (construction de nombreuses voies ferrées dans le monde entier). En 1913, cette société réalisait 73% de son chiffre d’affaires à l’étranger !
En 1968, la Société de Construction des Batignolles fusionna avec la Société parisienne pour l’industrie électrique (SPIE), pour former le groupe Spie Batignolles qui demeure aujourd’hui un des principaux acteurs français de la construction.
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