Se souvenir de la Route Royale de Paris à Marseille

A Mallemort, l’opération de dénomination des routes, voies et chemins de la commune poursuit son petit bonhomme de chemin …

Dans ce cadre le nom « Ancienne Nationale 7 » était proposé pour le chemin reliant Douneau au chemin de Malespine en passant par Gardet et la Tapie.

ancienne nationale 7

Les recherches sur ce sujet ont apporté les éléments suivants :

Ce chemin apparait sur la carte Cassini de 1778 :

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Il constituait alors une portion de la Route Royale (ou chemin royal) qui reliait Paris à Marseille. Celle-ci arrivait d’Orgon, où il y avait un relais de poste, passait par Sénas, puis au Péage de Malespine où des bateaux permettaient de passer le Durance (ce lieu dénommé Péagère de Malespine sur la carte Cassini est devenu par déformation la Pugère de Malespine). La route passait ensuite devant La Tapie et Gardet pour rejoindre La Croisière (Douneau) où un pont permettait de franchir le canal de Boisgelin. Elle traversait ensuite le hameau de Pont Royal où une grande auberge (aujourd’hui le « château Pont Royal ») servait de relais de poste et permettait de changer d’attelage (auparavant le relais était situé au croisement dit de la « poste vieille », devenu aujourd’hui « le rond point du golf »).

Le cheminement actuel de la nationale 7 figure également sur la carte Cassini de 1784. Mais selon l’Itinéraire complet de l’Empire Français de Hyacinthe Langlois édité en 1812 (le guide Michelin de l’époque !), il s’agissait  d’un chemin essentiellement emprunté par les piétons : à la sortie de Sénas au niveau de la Grande Bastide et des Saurins on pouvait en effet prendre à droite le chemin des gens de pied qui prennent par le Cabaret sec et le détroit de Méjean (il s’agit du lieu dit aujourd’hui « Pas des Lanciers » :   selon toute probabilité ce nom ne s’explique pas par le passage d’un régiment de cavalerie mais par la déformation du provençal Pas de l’Encié : le passage de la brèche. Brèche ou entaille dans la colline qu’il a probablement fallu creuser pour pouvoir faire passer aisément la nouvelle route – Voir étymologie- ; ou encore plus simplement par le nom d’un ancien propriétaire du Mas de Gaudin tout proche : un certain monsieur de Lancier).

C’est probablement entre 1810 et 1820 que le cheminement actuel de la N7 devint la route principale. En 1827 cette route apparait en effet avec l’appellation « Grande Route de Lyon à Marseille » sur la feuille de Gardet du tout nouveau cadastre napoléonien. Sur cette même feuille du cadastre, le chemin entre Douneau et Malespine est alors appelé « Ancienne route de Lyon à Marseille ».

Cependant à la même époque, la route qui passe par La Tapie  et Gardet figure toujours comme route principale sur la carte du diocèse d’Aix  éditée également en 1827. En ce temps là déjà, la mise à jour des cartes et des bases de données demandait un certain temps…

Diocèse_d'Aix_et_de_Marseille_[...]Charle_Jean_btv1b8445565s_1  Carte du diocèse d’Aix

La numérotation des routes date d’un décret du 16 décembre 1811. La « route impériale de première classe de Paris à Rome »  portait alors le n°8 (cette route et son passage par Pont Royal sont notamment mentionnés page 93 du décret). Il s’agissait donc de la Route Impériale n°8. Ce n’est qu’un peu plus tard sous Charles X et par une circulaire du 10 juillet 1824 que le directeur général des ponts et chaussées a définitivement fixé le n°7 pour ce qui est donc devenu la Route Royale de première classe n°7 de Paris à Antibes, puis notre mythique Nationale 7 (Rappel : en 1824, la France s’arrêtait à Antibes car le comté de Nice n’a été rattaché qu’en 1860)

Curieusement, sur le cadastre disponible aux archives départementales, cette route figure sur la feuille d’assemblage établie en 1829 avec l’appellation Route Nationale N°7 de Paris à Antibes. Pourtant à cette date la révolution de juillet 1830 n’avait pas encore eu lieu, Charles X était encore Roi de France et Louis-Philippe n’était pas encore Roi des Français. L’appellation officielle aurait donc dû être Route Royale plutôt que Route Nationale. Alors deux hypothèses pour expliquer ce mystère :

  • Monsieur Michel, le géomètre qui a dessiné cette carte en 1829,  était un fervent républicain qui estimait avant l’heure que les routes appartenaient à la nation plutôt qu’au roi et a décidé de lui-même de l’appellation route nationale…
  • La copie disponible sur le site des archives départementales date de 1852. Elle est certifiée conforme par le directeur des contributions directes de l’époque, mais une petite correction serait tout de même intervenue entre temps pour la mettre au goût du jour…

A chacun de choisir sa version…

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A Pont Royal, cette plaque de marbre gravé, toujours visible, donne les distances vers Sénas et Lambesc avec une précision digne de nos meilleurs GPS !  Ce type de plaque a été mis en place suite à la circulaire du 5 novembre 1833 du conseiller d’état en charge de l’administration des ponts et chaussées.  A cette époque il était entendu que :  » l’administration, dont les efforts doivent tendre sans cesse vers tout ce qui peut perfectionner et améliorer nos systèmes de communications, ne peut pas négliger une mesure qui n’exigera que peu de frais et qui réalisera des avantages incontestables « …

En conclusion, si au XVIII ième siècle la Route Royale de Paris à Marseille passait bien par Malespine, La Tapie, Gardet et Douneau, il semble plus que probable que la « Nationale 7″ n’ait jamais emprunté ce cheminement. La dénomination « Ancien Chemin Royal » ou « Grand Chemin Royal« semble ainsi beaucoup plus appropriée pour désigner ce chemin rural qui  relie Douneau à Malespine. C’est d’ailleurs cette appellation de « Chemin Royal » qui apparait dans plusieurs procès-verbaux du XVIII ième siècle que Laurent Pascal a réunis dans son livre « Histoire du Marquisat de Mallemort à travers l’histoire de la Provence » (1991).

Publié dans Inventaire du Patrimoine

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